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Les symptômes de la thésaurisation pathologique ou syllogomanie
La dernière édition du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux, communément appelé DSM5, reconnaît la thésaurisation pathologique, aussi appelée syllogomanie ou accumulation compulsive, comme un trouble mental à part entière. Cet ouvrage, rédigé par l’Association Américaine de Psychiatrie, est la référence mondiale en matière de troubles mentaux. Pour autant la définition exacte de ce trouble et de ses symptômes est très complexe.
Le DSM5 décrit un ensemble de critères nécessaires pour que la syllogomanie puisse être diagnostiquée :
- Une difficulté à jeter des objets de quelque valeur que ce soit.
- Un besoin incontrôlable de conserver les objets car la souffrance liée à la séparation est trop violente.
- Une accumulation des objets qui envahissent le logement qui finit par limiter les mouvements.
- Cette accumulation engendre une détresse de la personne qui finit par s’isoler socialement par honte de son habitat. Un constat pourtant paradoxal puisqu’elle est voulue par le sujet.
L’accumulation pathologique n’est pas le résultat d’une maladie physique (lésion cérébrale) ni d’un autre trouble mental (TOC, psychose, bipolaires…) même si plusieurs études montrent clairement une corrélation entre cet état et des troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Certains peuvent pour autant entasser sans souffrir d’autres troubles. Des sujets atteints d’hyperactivité ou de déficit d’attention en sont souvent victimes.
Il faut bien comprendre qu’il s’agit d’une altération mentale qui ne se contrôle pas. A ce titre on peut parler de maladie. Impossible de faire comprendre à la personne que cet empilage de choses ne sert à rien.
Une classification pathologique complexe
Cette classification permet aux acteurs du monde médical et social d’établir un diagnostic plus précis et réaliser une évaluation de la gravité du cas devant lequel ils se trouvent. A ce stade, on ne parle pas encore de traitement possible mais d’une reconnaissance du trouble comportemental. L’objectif est avant de pouvoir détecter et distinguer cette pathologie mentale face à d’autres troubles de ce genre tels que le syndrome de Diogène (qui est, en réalité, une forme avancée et spécifique de syllogomanie, avec des notions de négligence d’hygiène en plus, bien que cela peut aussi se retrouver chez un individu atteint de syllogomanie), les différentes formes de TOC ou de troubles psychiques.
Dans la perspective de classement et d’organisation des maladies, la Classification internationale des maladies (CIM) est une norme internationale qui organise et code les informations sanitaires. La syllogomanie est considérée, à ce titre, comme trouble obsessionnel compulsif, classé CIM-10 F42. La nouvelle version du CIM, la CIM-11 permettra peut-être d’établir une classification pathologique spécifique et une définition des symptômes plus détaillée chez les patients.
Détection du syndrome de la syllogomanie
Toute la difficulté est de découvrir les sujets atteints par ce trouble. Le plus souvent, la thésaurisation pathologique se détecte par l’intermédiaire d’une autre source que le syndrome lui-même :
La découverte peut se faire suite à un événement lié à l’environnement ou au contexte social comme une expulsion pour loyers impayés, à la suite d’un accident (incendie, plancher qui s’effondre sous le poids des détritus), suite à une blessure survenue à cause de l’encombrement du logement…
On peut aussi avoir le cas où le voisinage alerte les services de la Mairie à cause d’une odeur insupportable ou à la suite à un comportement inhabituel de la personne souffrant de syllogomanie (faire rentrer les pigeons dans son appartement…).
Mais dans la majorité des cas, la découverte se fait par l’intermédiaire d’une autre maladie.
Quand la syllogomanie est primaire, il n’y a pas d’association à un autre trouble. Il est donc très difficile de la détecter sauf de manière fortuite, comme vu dans les cas de figures précédents.
Quand la syllogomanie est secondaire, elle se manifeste parallèlement à d’autres troubles tels que la dépression, la phobie sociale, d’autres types de troubles obsessionnels compulsifs ou encore un déficit d’attention marqué… Ces diverses manifestations peuvent amener la personne atteinte à consulter un spécialiste. C’est à cette occasion que la syllogomanie du patient est mise en évidence.
Prévalence : Qui est touché par le symptôme ? Existe-t-il un profil type ?
Sur l’ensemble de la population mondiale, ce symptôme touche environ 2 à 6 % de la population adulte et environ 2 % des adolescents. On note, comme pour les autres troubles comportementaux associées comme chez les Diogène ou les individus atteints par le syndrome de Noé (accumulation compulsive d’animaux), une légère prédominance de cas chez les femmes dans les statistiques recueillies.
Les conséquences liées à ce trouble pathologique du comportement
Le fait d’accumuler de manière excessive des objets même sans valeur ou sans utilité pose rapidement un problème d’insalubrité. Ces troubles affectent, en premier lieu, les déplacements et les actes quotidiens de l’individu. Avec des objets entassés un peu partout, impossible de faire la cuisine, de se laver ou de faire le ménage.
Dans des cas extrêmes troubles de thésaurisation, cela peut provoquer de graves dégâts pour la personne et son environnement. D’abord, d’un point de vue humain, ces « hoarders » comme on les appelle aussi mettent leur santé en danger car en limitant leur mobilité au sein de leur domicile, ils se privent de gestes quotidiens comme la toilette ou le nettoyage du logement. Ce manque d’hygiène attire les nuisibles comme les insectes ou les rats. Ces sujets sont d’ailleurs communément appelés « rats », non pas à cause du manque d’hygiène mais en référence au fait même d’accumuler qui caractérise le comportement de ce rongeur.
En accumulant, ils mettent aussi en danger leur vie et celle de leur voisinage. On dénombre plusieurs cas d’incendie provoqués à cause de l’amoncellement ou bien d’effondrement, d’abord sur le sujet, ou carrément du domicile. Le sol s’effondre littéralement sous le poids des objets. Le plus célèbre des exemples étant celui de deux frères New-Yorkais, frères Langley et Homer Lusk Collyer, dits « les ermites de Harlem », qui avaient accumulé 136 tonnes d’objets en tout genre dont plusieurs milliers de livres (voir ici le cas spécifique de la bibliomanie) et qui sont morts, pour l’un écrasé par une valise et des journaux et pour l’autre de mort de faim, quelques jours plus tard car il était paralytique aveugle et coincé, seul, au sein de l’appartement au milieu de cet agglomérat.